lundi 23 mai 2011

Apprendre à apprendre : vers un nouveau discours de la méthode

Apprendre à apprendre : vers un nouveau discours de la méthode
Internet en 2049 : maîtres ou esclaves du numérique ? Le JDN publie chaque jour en avant-première un extrait du livre de Benoît Sillard et vous propose de partager votre vision de l'Internet en 2049.
Publié le 20/05/2011

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L'auteur : Benoît Sillard est PDG de CCM Benchmark Group (éditeur du JDN), il a précédemment occupé les fonctions de Délégué interministériel aux usages de l'internet, fondateur de TV-Radio et PDG de Fun Radio
Le livre : Internet en 2049, maître ou esclave du numérique, Eyrolles, 13 mai 2011

Apprendre... ou apprendre à apprendre ? Ce sera tout l'enjeu de l'éducation au XXI e siècle.
Nos représentations du savoir ne sont pas figées : elles évoluent au cours du temps. L'idée d'une forme canonique ou indépassable d'éducation est contredite par l'histoire humaine. Ian McNeely et Lisa Woverton suggèrent ainsi que la connaissance a été réinventée au moins six fois dans l'histoire occidentale, à travers six institutions-modèle : la bibliothèque, le monastère, l'université, la république des lettres, les disciplines savantes, le laboratoire. L'Internet représente une septième étape, et ses bouleversements sont d'une ampleur sans précédent.
Posons un paradoxe : dès lors que l'Internet est entré dans les foyers et dans les lieux d'enseignement... il n'y a plus rien à apprendre ! Toute la connaissance est désormais à portée de main : Internet devient la grande bibliothèque universelle, où se trouvent toutes les questions et toutes leurs réponses.
Ainsi, les chercheurs distinguent notamment deux types de mémoire : la mémoire procédurale et la mémoire épisodique. La première concerne l'acquisition de savoir-faire, la seconde celle d'événements et de souvenirs. Ces deux mémoires sont mobilisées par l'éducation : on apprend à faire des divisions (mémoire procédurale) comme on s'informe sur le siècle de Louis XIV (mémoire épisodique).
Là où Internet change la donne : toutes les informations sont disponibles dans cette mémoire externe de l'humanité en croissance permanente. La qualité de ces informations est certes variable, mais il en allait de même dans le monde imprimé : tous les livres sur un sujet ne sont pas aussi fiables. La différence entre savoir numérique et savoir papier est que le premier est désormais très accessible : tout élève peut trouver en 10 secondes la liste des départements français qu'il apprenait jadis par cœur en dix semaines... sans trop savoir pourquoi.
Dès lors que l'information est ainsi à portée de clic, l'éducation est obligée de se réinventer. Cela n'a aucun sens pour elle d'essayer de concurrencer une masse de savoirs qui s'enrichit à chaque seconde, ou de demander à des élèves des efforts de mémorisation " brute " dont ils perçoivent intuitivement l'inutilité. L'éducation se voit en revanche confier un rôle primordial, outre les fondamentaux (lire, écrire, calculer) : former l'esprit à utiliser le flux d'information au lieu de s'y noyer. Citons encore le rapport Fourgous (2010) :
" Les compétences à acquérir pour s'épanouir dans la société numérique sont diverses : maîtrise des langues étrangères, des outils numériques, acquisition des compétences juridiques et citoyennes s'y rapportant, aptitude à l'analyse critique, à la créativité, au travail collaboratif, aptitude à communiquer, à travailler en groupe, ouverture sur le monde et les autres cultures... La capacité à se former tout au long de la vie devenant une nécessité, l'autonomie et la confiance en soi se révèlent être également des aptitudes essentielles à développer. Les outils numériques favorisent l'acquisition de toutes ces aptitudes et permettent de développer des compétences auxquelles ils n'auraient pas accès autrement. "
Avec comme conséquence :
" Le métier d'enseignant évolue : il doit créer des activités permettant à chaque élève de construire et de s'approprier ses propres connaissances. Il devient un ingénieur pédagogique. "
Cette mutation prend la forme d'un passage vers la méta-information : il importe déjà et il importera toujours davantage de saisir l'architecture, la classification, la compatibilité, la qualification et l'actualisation des données que l'on rencontre. Sur un sujet donné, on ne peut connaître LA vérité absolue ou LE contenu définitif, mais plutôt un panel organisé d'accès aux connaissances mises à jour, appuyé sur une hiérarchisation personnelle des sources.
Pour se construire ce panel, l'élève devra nécessairement mettre en place des stratégies de recherche. Et leur apprentissage sera nécessaire : apprendre à apprendre, donc. La stratégie dite du " butinage ", consistant à naviguer de liens en liens sans tenir compte de leur pertinence, sera par exemple bannie. Idem pour le copier-coller à source unique, aussi paresseux que risqué (si la source est mauvaise). Les pages Internet, quant à elles, devront aussi recourir plus largement aux balises " méta ", afin de guider l'élève dans les moteurs de recherche : c'est un des enjeux actuels du web sémantique " 3.0 " en cours de constitution.
Quelles sont les qualités des futurs élèves à l'ère numérique, sur lesquelles l'éducation doit concentrer dès aujourd'hui ses efforts ?
- la curiosité intellectuelle : elle est le carburant de la volonté de savoir, le désir d'expérimenter, de tester, de découvrir ;
- la vitesse de compréhension : elle est indispensable pour traiter des gros volumes d'information ;
- la qualité de lecture, d'écoute et d'observation : elle permet d'observer les articulations et hiérarchies d'un support ;
- l'esprit de synthèse : il consiste à extraire le signal du bruit, c'està-dire les informations essentielles des informations accessoires ;
- l'esprit critique : il met en garde contre les pièges rhétoriques, les manipulations, la passivité ;
- le travail en équipe : il partage, organise, entraîne l'accès aux savoirs.
Maîtres ou esclaves
Voir aussi : Tous les articles de la série
Comme on peut le constater, ces traits cognitifs ne sont pas propres à une discipline particulière, mais s'appliquent à tous les savoirs potentiels qu'un individu peut mobiliser dans son existence, par goût ou par nécessité. C'est ce que Joël de Rosnay appelle le passage d'une " pédagogie analytique " à une " pédagogie systémique ". La première découpe la réalité, la complexité de la nature et de la culture, en disciplines séparées (biologie, physique, histoire, etc.) et exige de se concentrer sur les détails. La seconde insiste sur les relations à l'œuvre dans la même réalité. La pédagogie systémique ne va pas faire disparaître la pédagogie analytique : elle forme plutôt une autre entrée du savoir, particulièrement adaptée aux plus jeunes.
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Benoît Sillard

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