mercredi 21 septembre 2011

Les tensions du marché de l'emploi dans l'Open Source

Demande pointue, pénurie de profils, manque de formations... Les tensions s'exacerbent sur le marché de l'emploi Open Source. Les perspectives sont pourtant alléchantes, et l'enjeu considérable pour le secteur

"Ce n'est pas parce que le code d'une solution est ouvert et disponible qu'il y a pléthore de candidats ayant les profils que nous recherchons. L'expérience de déploiements dans l'Open Source au sein d'entreprise, ce n'est pas tout à fait la même chose que la compétence d'un pur autodidacte", fait remarquer Alexandre Zapolsky, P-DG de Linagora, une société pleinement dédiée à l'Open Source, qui éprouve parfois des difficultés à recruter certains profils.

Une masse salariale qui va doubler

philippe montarges est co-fondateur et co-président d'alter way. il a également
Philippe Montarges est co-fondateur et co-président d'Alter Way. Il a également été élu président du Ploss, le réseau des entreprises du Logiciel Libre en Île-de-France, © Alter Way

Ce n'est pas la seule. "Il y a actuellement une forte demande de recrutement dans l'Open Source, et cela entraine des tensions sur le marché de l'emploi dans ce secteur", constate également Philippe Montargès, président du Ploss. Ce réseau des entreprises du Logiciel Libre vient d'ailleurs de terminer une étude, conduite en partenariat avec le Conseil National du Logiciel Libre (CNLL) sur cette thématique. Les conclusions sont sans ambiguïtés.

Dans les trois prochaines années, les pure players du secteur, seuls, vont voir leur masse salariale doubler. La création nette d'emploi est estimée entre 4 et 5 000 emplois d'ici 2014. "C'est une vague de fond", commente Philippe Montargès, qui rappelle que plus de 85% de ces pure players sont des PME de moins de 35 salariés affichant un chiffre d'affaires annuel de moins de 10 millions d'euros.

L'étude précise que 60% des postes à pourvoir concernent des ingénieurs de développement, et 15% l'infrastructure (ingénieur système, réseau, chef de produit de l'offre Cloud, etc). La maîtrise des technologies Web est aussi très recherchée, les futurs employeurs déclarant dans le cadre de cette étude notamment être à l'affut de profils ayant des connaissances en PHP (35%), Java (26%) et Python (15%). S'en suivent Javascript, Linux et Ruby.

Compétences pointues


Chez Alter Way, entreprise également dédiée à l'Open Source, ces tendances se confirment, selon Philippe Montargès, également P-DG de cette entreprise : les recrutements et les tensions concernent les profils versés dans les technologie Web, comme les développeurs PHP / Symfony, les connaisseurs de Drupal, ou encore les experts des solutions dédiées au e-commerce (hébergement, intégration).

Linagora compte de son côté actuellement une vingtaine de postes à pourvoir. Certains requièrent parfois une expertise très poussée (Java, PHP5) ou la maîtrise de technologies pointues, sur de nouveaux frameworks Open Source par exemple. "Car l'industrie informatique va très vite, et nous nous devons d'être à la pointe", poursuit le P-DG de Linagora. Or, des expertises de développement sur des technologies émergentes ne sont évidemment pas légion. "Nous devons donc aussi parfois recruter des potentiels", indique Alexandre Zapolsky.

L'importance du recrutement dans l'Open Source revêt une importance particulière pour ce secteur un peu à part dans l'industrie informatique. "L'enjeu est de taille car l'Open Source doit concurrencer et s'imposer face aux technologies émergentes fermées", poursuit le P-DG de Linagora, qui cite par exemple la solution Open Source de messagerie et de travail collaboratif OBM (portée par la SS2L). Il était nécessaire de migrer cette dernière vers le Cloud pour mieux concurrencer les solutions de productivité en ligne comme Office 365 ou les Google Apps. "Nous avons de gros projets pour les profils ayant ce type de compétences", précise Alexandre Zapolsky.

alexandre zapolsky est p-dg de linagora.
Alexandre Zapolsky est P-DG de Linagora. © JDN

Open Source et Cloud Computing

Autre exemple de secteur prometteur sur lequel l'Open Source doit être compétitif, mais peine encore à trouver les bons profils, très pointus, maîtrisant des technologies à peine écloses : la virtualisation. Aujourd'hui, une solution propriétaire domine le marché prometteur du Cloud Computing et de la virtualisation : VMware. Or, des solutions de virtualisatoin Open Source existent, comme OpenStack. Mais là encore, recruter des experts de cette technologie pour mieux la pousser reste difficile.

L'enjeu est une nouvelle fois important pour le secteur car "bientôt les grands comptes vont vouloir leur Cloud privé, et l'Open Source devra aussi proposer une solution convaincante, portée par des profils experts. Nous sommes au début de la vague", estime Alexandre Zapolsky qui cherche justement des profils maîtrisant OpenStack. Chez Alter Way également ces profils sont chassés.

Des profils d'experts chassés

"Le temps du bricolage est fini. Un des grands chantiers actuels de l'Open Source est de maîtriser une logique industrielle, notamment dans les déploiements. Les DSI se montrent très ouverts à l'Open Source si le secteur leur fournit une offre de ce niveau", pense Philippe Montargès.

Dans l'Open Source, certains salaires flambent.

Un des leviers de recrutement pour les acteurs de l'Open Source est donc aussi de viser des profils ayant déjà éprouvé leur compétence sans avoir forcément bâti cette dernière sur l'Open Source. Or, ces profils sont souvent déjà occupés et bien payés.


C'est aussi le cas pour certains ingénieurs bien installés dans certaines grandes structures "qui ont toutes déployer de l'Open Source et disposent souvent de pointures en la matière dans leur effectif. Mais, il faut les trouver, et ensuite les motiver à changer d'employeur", ajoute le P-DG de Linagora.

"De manière générale, l'Open Source aurait à y gagner en s'ouvrant plus à d'autres canaux de recrutement que les forums communautaires et les salons", juge Alexandre Zapolsky.

Compte tenu de ce contexte et de la pénurie compétences sur le marché de l'emploi dans l'Open Source, certains salaires en viennent à flamber. Et c'est encore plus le cas sur des métiers déjà en tension sur le secteur informatique en général, comme celui d'architecte. Ainsi, "un architecte expert dans les solutions Open Source peut recevoir des propositions de salaire pouvant allégrement dépasser les 100 000 euros", témoigne le P-DG de Linagora.

Les formations centrées sur les solutions Open Source sont-elles à la hauteur des attentes du secteur ? "90% des pure players de l'Open Source interrogées dans le cadre de l'enquête du Ploss indiquent être en relation avec des universités et écoles. C'est donc un acquis, mais c'est indéniablement aussi à intensifier", admet Philippe Montargès, qui aimerait notamment voir plus de formations qualifiantes. "Il n'y a pas assez d'enseignements réservés à l'Open Source à l'université et dans les école d'ingénieurs. En outre, la formation initiale est importante, mais il faut également des à côté, donc aussi plus de certifications ou de qualifications dans l'Open Source."

Fafiec et certifications

certains acteurs de l'open source dispensent leur propre formation.
Certains acteurs de l'Open Source dispensent leur propre formation. © Fotolia

Pour Alexandre Zapolky, ce sont justement au niveau des formations continues que le bât blesse. Passer par le Fafiec pourrait permettre de délivrer des certifications officielles dans l'Open Source, ce qui serait à la fois "utile" pour les employeurs et employés.

"Or, il y a un trou dans le catalogue, qui contient pléthore de formations à des technologies propriétaires, et très peu pour l'Open Source", regrette Alexandre Zapolsky, qui cite les Etats-Unis en exemple, où le Linux Profesionnal Institute (LPI) par exemple a su mieux s'imposer. "La demande pour leurs certifications LPI (101, 102, 201, 202, 301 et 303) commence à augmenter ici aussi", constate le P-DG de Linagora, qui dispense également des formations LPI. Il explique également beaucoup investir dans la fameuse jeune génération Y pour la former au Libre, et ainsi pallier au manque de profils.


Face à cette situation de manque de formations, les acteurs ont donc parfois lancé leur propre formation. C'est le cas notamment d'Alter Way avec sa Libre Academy. Elle est destinée aux jeunes diplômés ou aux personnes en reconversion. "L'Open Source crée souvent des emplois à valeur ajoutée, qui redonne la prime au développement. Il faut des formations à la hauteur, c'est en train de devenir une urgence", explique Philippe Montargès.

Mutualisation des moyens ?

Pourquoi les acteurs, qui lancent des initiatives individuelles, ne mutualisent-ils pas leurs moyens afin de pallier ce manque de formations, et n'effectuent pas de lobbying plus groupé pour mieux être entendus au niveau politique ? Alexandre Zapolsky ne le comprend pas toujours, et regrette que parfois la profession ne s'entende pas mieux. Impliqué dans divers organes représentatifs du secteur du Logicel Libre (CNLL, Systém@tic, Cap Digital), Philippe Montargès indique que ce sont en effet des thèmes de réflexion actuellement poussés dans ces diverses structures.


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Le Conseil d'Administration du Ploss, réseau des entreprises du Logiciel Libre en Île-de-France, a élu à l'unanimité le 22 mars dernier Philippe Montargès, co-fondateur et co-président d'Alter Way, président pour l'année 201. Il est soutenu par Patrick Benichou, d'Open Wide, en tant que vice-président, et Patrice Bertrand, de Smile, en qualité de secrétaire général.

Le Ploss réunit les entrepreneurs du Logiciel Libre et Open Source (FLOSS) pour favoriser la 'coopétition', développer, structurer et solidifier un écosystème Open Source en Île-de-France. Il regroupe déjà une trentaine d'entreprises du Logiciel Libre dans cette région.

Il s'est notamment fixé comme ambition de devenir un partenaire fiable pour les autres acteurs associatifs de l'écosystème que sont le GTLL de Systematic, Silicon Sentier, le CNLL, l'April Entreprises, et l'Open World Forum.

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