lundi 16 avril 2012

Quelle industrie pour le futur ?

A lire sur:  http://www.lesechos.fr/opinions/points_vue/0201976891844-quelle-industrie-pour-le-futur-312702.php?xtor=EPR-1500-[idees_debats]-20120416-[s=461370_n=9_c=907_]-409905656@1

16/04 | 07:00 | Vincent Champain
Ecrit parVincent CHAMPAIN Chroniqueur - économiste. Blog : http://creeretrepartir.info

L'industrie du futur a parfois été présentée sous la forme d'entreprises sans usines (« fabless »), centrées sur la conception et expédiant la production en Asie, à jamais plus compétitive. En réalité, le coût du travail en Bulgarie est, en 2012, inférieur au salaire de Foxconn, en Chine. L'inflation salariale y dépassant 10 %, leurs coûts salariaux approcheraient les nôtres dans vingt ans. Déjà, des cas de relocalisations sont signalés. Mais il serait erroné d'y voir le signe d'un retour spontané de l'industrie d'autrefois, d'abord parce que l'industrie est de plus en plus une « industrie 2.0 », à la fois plus intégrée, ouverte et distribuée. Ensuite, parce que son retour dépendra certes d'évolutions macroéconomiques, mais surtout des choix stratégiques à prendre dans les années à venir.
Cette industrie 2.0 est intégrée dans son environnement. Elle offre à la fois des équipements, des systèmes informatiques et des services destinés à optimiser la productivité de leurs actifs au contexte spécifique de chaque client - par exemple le rendement énergétique, le taux d'utilisation d'un bloc opératoire ou l'efficacité d'un moteur d'avion. Elle intègre davantage les contraintes environnementales de la production de l'équipement jusqu'à son recyclage. Loin de la séparation conception-production du modèle « fabless », ce modèle repose sur le « fabs, labs & advices », soit une coopération étroite entre centres de production, de recherche et de services.
Elle est également intégrée mondialement : la relocalisation en France ira de pair avec la poursuite d'une logique de « chaîne de valeur mondiale ». A l'image de l'emploi de l'automobile allemande qui doit la croissance de son emploi en Allemagne à sa sous-traitance en Europe de l'Est, la France doit savoir concentrer ses ressources sur les parties de chaîne de valeur où elle peut être compétitive. Pour gagner des emplois en France et exporter, il faut à la fois savoir importer judicieusement et attirer les entreprises capables de positionner la France au bon endroit de cette chaîne de valeur.
L'industrie 2.0 est ouverte et repose sur des partenariats entre multinationales (qui savent gérer des volumes importants et accèdent à un marché mondial) et PME (qui maîtrisent des techniques pointues), entre entreprises (qui innovent en transformant des idées en euros) et la recherche publique (qui explore en transformant des euros en idées), entre l'entreprise et ses clients (qui contribuent à la définition de nouveaux produits). Pour cela, nous devons améliorer la coopération recherche-entreprise et les financements associés qui, hormis le crédit impôt recherche, sont parfois inadaptés aux modes d'innovation des grands groupes.
Cette industrie est distribuée dans son architecture. Elle propose moins de gros équipements et plus de réseaux d'équipements moyens connectés. Ce sont des réseaux intelligents, qui permettent de tirer meilleur parti de sources d'énergies, telles que le vent, le solaire ou la cogénération, ou les systèmes qui permettent de faire communiquer des équipements médicaux entre eux et avec les médecins.
A l'image de l'Allemagne dans les machines-outils ou de la France dans les moteurs d'avion, les turbines à gaz ou le matériel médical, l'industrie 2.0 offre un potentiel considérable. Pour le réaliser, nous devrons cependant nous doter d'une stratégie de « croissance créative » visant d'abord la disponibilité de facteurs de production compétitifs (capital, talents, énergie, services publics...), ensuite, la simplicité pour les entreprises à combiner ces facteurs entre eux et avec des composantes importées de façon innovante (simplicité du droit, création d'entreprises, attractivité pour les multinationales, facilitation des partenariats...) et, enfin, l'accès à une demande forte (ouverture commerciale européenne et mondiale). Autrement dit, elle devra assurer une terre fertile plutôt que de décréter quels arbres doivent être plantés !
Vincent Champain est économiste, directeur chez General Electric et animateur de l'observatoire du long terme de l'Institut de l'entreprise

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