dimanche 27 mai 2012

Splendeurs et misères du télétravail

A lire sur:  http://www.lesechos.fr/journal20120515/lec1_competences/0202050029098-splendeurs-et-miseres-du-teletravail-323289.php

Par Laurance N'kaoua | 15/05 | 07:00 | mis à jour à 11:52 |
C'est chose faite ! Depuis quelques semaines, le télétravail est encadré par le Code du travail. Dans le sillage d'un accord national signé en 2005 entre patrons et syndicats, la loi Warsmann confirme les règles du jeu. C'est écrit noir sur blanc : la pratique ne doit pas être imposée sauf circonstances exceptionnelles (épidémies, catastrophes naturelles...). De même, un avenant au contrat de chacun doit en fixer les modalités, indiquant, par exemple, les horaires où un salarié est joignable. Tandis que la loi contraint les employeurs à en couvrir les dépenses (matériel informatique, frais de communication...). Le texte n'est, certes, pas révolutionnaire, mais «  c'est une invitation pour les entreprises à s'engager », observe Dominique Bost, directrice des initiatives stratégiques chez Mondial Assistance, en cours de négociation pour étendre son accord test à 20 % de ses 1.700 collaborateurs.
Les employeurs s'y mettront-ils pour autant ? Déjà, une cinquantaine d'accords auraient été signés dans les grands groupes. Ainsi, Renault vient de franchir le cap du millième télétravailleur. Selon un rapport remis il y a quelques jours à Bercy par le cabinet Greenworking, 12,4 % des 23 millions de salariés sur le sol français travailleraient à distance au moins huit heures par mois, contre 8,9 % en 2009. En retard sur la Suède ou la Finlande, où elle touche 30 % des travailleurs, la pratique, en France, serait dopée par une myriade de facteurs (contexte législatif, prise en compte des risques psychosociaux, engorgement des transports, essor des technologies...).

Changements profonds

Selon l'étude de Greenworking, menée auprès de 6.208 salariés dans 20 grands groupes, ses vertus sont légion. Sociales, d'abord, car il améliore l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Echappant au stress des transports, où ils passent, en moyenne, deux heures chaque jour, les collaborateurs franciliens consacrent ainsi trente-sept minutes supplémentaires à leur famille par jour télétravaillé.
L'enthousiasme est là. « Je travaille chez moi deux demi-journées par mois. Loin du bruit de mon "open space", où je suis sans cesse dérangée, je reste concentrée. Pour certaines tâches, comme la rédaction de documents, le calme est essentiel », raconte Olivia Chabbert, directrice de clientèle chez Profile PR. Pour 20 % des employeurs, c'est donc un moyen de fidéliser les équipes. Certains, comme Mondial Assistance, évoquent aussi l'intégration de salariés handicapés. Et 35 % plébiscitent une rationalisation des coûts, notamment immobiliers, assortis de bienfaits sur l'environnement puisque la réduction des émissions de carbone d'un télétravailleur qui renonce à prendre le volant équivaudrait à 144 arbres plantés par an.
Selon Greenworking, la productivité serait même accrue de 22 % ! Un chiffre que contestent certains. « Où commence le télétravail à l'ère des smartphones ? Et comment conclure à une amélioration de la productivité pour les entreprises, alors qu'on ne sait pas mesurer la charge de travail d'un salarié de la connaissance ? tempère Yves Lasfargue, qui dirige l'observatoire du télétravail Obergo. Il reste beaucoup d'écueils. Sinon, toutes les entreprises auraient déjà adopté le travail à distance. »
De fait, la pratique repose sur la double volonté du salarié et de l'employeur. Et s'ils sont pointés du doigt comme les principaux freins par 92 % des sociétés, les managers ne sont pas seuls responsables de son essor laborieux.
Car le télétravail implique des changements profonds. « Le contrat de travail en France est basé sur le contrôle. Il repose sur le temps passé à travailler et non pas sur les résultats », remarque Yves Lasfargue. Or comment contrôler, sans être intrusif, un salarié à domicile ? « Il y a aussi des risques d'inéquité : en cas d'urgence à 22 heures, la tentation est grande d'avoir recours à un télétravailleur », souligne Olivier Brun, directeur associé de Greenworking. Pas simple non plus de planifier les collectifs de travail. « L'enjeu de fond pour les entreprises est de ne plus contrôler », poursuit-il.
La pratique n'est donc pas un remède à tous les maux. Toutes les entreprises, tous les métiers et tous les postes ne s'y prêtent pas. En outre, n'est pas télétravailleur qui veut. « Certains salariés ont des difficultés à s'autodiscipliner dans un environnement associé au repos. Plus fréquemment, nombre de télétravailleurs travaillent trop. D'autant que la loi ne leur garantit pas de droit à la déconnexion », constate Olivier Brun. Autant de raisons pour lesquelles l'étude limite à deux jours par semaine son efficacité optimale. Pour Yves Lasfargue, « le télétravail ne peut se faire qu'au cas par cas ».
LAURANCE N'KAOUA, Les Echos
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