samedi 23 juin 2012

Alan Turing, père de l’informatique, naissait il y a 100 ans…

A lire sur:  http://www.histoire-cigref.org/blog/alan-turing-pere-de-l-informatique-naissait-il-y-a-100-ans/

Né le 23 juin 1912 (sous le signe du Cancer comme beaucoup de destins atypiques tels Jean Cocteau, Françoise Sagan, Saint-Exupéry, Jean-Jacques Rousseau, George Sand, ou encore l’astrophysicien Hubert Reeves et Zinedine Zidane…), le scientifique britannique Alan Mathison Turing est celui que l’on considère généralement comme le « père de l’informatique » ! Il passe son enfance en Angleterre, mais en famille d’accueil puis en internat, son père étant fonctionnaire en poste en Inde, où déjà il exprime ce caractère atypique. Il entre au King’s College de l’université de Cambridge en 1931 pour y étudier les mathématiques avant de se spécialiser dans le calcul des probabilités.
L’atypisme intellectuel d’Alan Turing émulsionne une richesse de pensée qui le pousse, à partir des mathématiques, sur des chemins scientifiques aussi  éclectiques que la calculabilité, la cryptographie, la morphogénèse des formes biologiques, puis la calculabilité de l’intelligence… La première étape de ce parcours hors norme se situe  en 1936, quelques 10 ans avant les débuts de l’informatique, quand il rédige un article intitulé « Théorie des nombres calculables, suivie d’une application au problème de la décision ». Dans ce texte, Turing donne sa propre définition de la calculabilité : « On peut définir sommairement les nombres calculables comme étant les réels dont l’expression décimale est calculable avec des moyens finis. […] Selon ma définition, un nombre est calculable si sa représentation décimale peut être décrite par une machine ». Dans cet article, il décrit du même coup ce qui deviendra, une décennie plus tard, l’ordinateur. Il part du principe qu’une machine peut calculer diverses tâches pourvu qu’elles soient suffisamment bien formulées.  Concrètement, cet article décrit le premier modèle mathématique d’un algorithme, en précise les potentiels et les limites. C’est ainsi que nait « la Machine de Turing » ! 

2012, une machine de Turing en légo…

Avant d’aborder l’histoire de cette « Machine de Turing », il est intéressant d’en donner une représentation visuelle. Or, pour marquer le centenaire de la naissance d’Alan Turing, des étudiants du Master en informatique fondamentale de l’Ecole Normale Supérieure de Lyon ont choisi de lui rendre hommage en réalisant une « Machine de Turing en Légo » pour donner corps à cette vue de l’esprit du scientifique visionnaire.
La « Machine de Turing » est une approche tout à fait originale de la notion de calculabilité, car elle exprime pour la première fois l’idée qu’une machine peut calculer sans intervention humaine.
Turing décrit une machine possédant un ruban sur lequel une tête de lecture peut alternativement lire et écrire des symboles. Lorsque la tête de lecture lit un symbole, elle agit selon l’état interne de la machine, le modifie en se déplaçant vers la gauche ou vers la droite. L’état interne est ce qui indique à la tête à la lecture ce qu’elle doit faire d’un symbole, dans quelle direction elle va se déplacer et en fonction de cette écriture quel sera le prochain état interne  de la machine… Sans décrire techniquement sa machine, Turing explique son fonctionnement comme celui d’un humain qui disposerait juste de la mémoire nécessaire pour noter des symboles sur le ruban, et le dérouler sur la longueur nécessaire au fur et à mesure du calcul. Il part du principe que le ruban disposera toujours de la longueur voulue, c’est-à-dire quasiment infinie.

« MU », une machine de Turing universelle

Selon le même principe de calculabilité, Turing va plus loin en proposant « MU », une « machine universelle » susceptible de simuler l’exécution des tâches de toutes les machines de Turing. Le principe consiste à examiner l’infinité des machines permettant tous les types de calculs possibles, des plus simples comme les opérations basiques, aux plus complexes comme par exemple le calcul de positions des astres… Il suffit pour cela, comme pour une « simple » machine de Turing, de lui indiquer une description précise de la tâche à exécuter, autrement dit un « programme » !
Avec le recul aujourd’hui, on voit bien ainsi se tracer le modèle de l’ordinateur dont le principe est celui de cette machine universelle dotée d’un programme, certes un peu plus rapide que l’écriture sur le ruban initial de la machine pensée par Turing. Mais l’ordinateur possède bien l’ADN de cette machine de Turing universelle capable d’exécuter les calculs prescrits pour une infinité de « tâches calculables » à exécuter.
Du reste Alan Turing travaillera lui-même à l’exécution des premiers ordinateurs. Après avoir été sollicité par le Gouvernement britannique pendant la seconde guerre mondiale pour le décryptage des messages de l’armée allemande adressés aux sous-marins cernant l’Angleterre (système Enigma), il part quelques mois aux Etats-Unis, à l’université de Princeton, pour découvrir les technologies électroniques naissantes en travaillant avec un spécialiste de ce qui deviendra la théorie des langages de programmation. A son retour en Angleterre, il travaille à la réalisation d’un ordinateur avec les équipes techniques britanniques. Il note que lorsque la tête de lecture doit se déplacer d’une case à l’autre sur le ruban, il y a perte de temps et repère qu’il faudrait qu’elle puisse se rendre directement sur une case voulue. Pour cela la case doit bénéficier d’une adresse. La longueur finie du ruban de sa machine est aussi un obstacle, qui sera dépassé par le principe de mémoire de l’ordinateur…

Le « Test de Turing », ou la pensée calculable…

C’est en 1950 que Turing cherche à utiliser les progrès réalisés par l’ordinateur pour mettre celui-ci à l’épreuve d’un test d’intelligence, le confronter à l’intelligence humaine. La machine peut-elle faire preuve d’intelligence ? Il élabore alors un « test » qui se joue entre êtres humains, puis avec l’ordinateur. La première phase oppose donc un joueur humain qui doit déterminer, d’après leurs réponses écrites, le sexe de deux individus : un homme et une femme. Le principe du test est que l’homme cherche à tromper le joueur, la femme s’efforce au contraire de l’aider. On substitue ensuite la machine à l’homme pour voir si les réponses humaines parviennent à tromper « l’intelligence de l’ordinateur ». Turing imaginait que l’ordinateur finirait bien par réussir à gagner sur l’humain, mais ce n’est toujours pas arrivé. Par contre, le « Test de Turing » a inspiré nombre de réalisations informatiques de type agent conversationnel, donnant l’illusion d’une pensée intelligente susceptible de créer un dialogue « homme – machine ». Depuis 1990, le Prix Loebner récompense chaque année les meilleures réalisations inspirées par le Test de Turing et répondant à ses critères.
Est-il possible de voir une machine informatique échanger des réponses écrites avec un humain sans que celui-ci ne parvienne à distinguer s’il converse avec un ordinateur ou un de ses congénères ? Lors de tels concours, les ordinateurs peuvent être programmés pour « tromper » les juges en refusant de répondre (où en retardant leur réponse pour figurer un temps de réponse propre à l’homme) à des questions de calculs qu’ils sont à même de résoudre en une fraction de seconde. Pour démasquer l’ordinateur, il peut suffire au juge de manier l’humour auquel la machine n’est pas encore très réceptive…

Des sciences du vivant à l’intelligence artificielle

Bloqué par les limites du langage formel, Alan Turing s’intéresse au long de son parcours à la notion biologique du vivant « dont l’organisation interne ne relève pas d’un code formel ». Il cherche à identifier le principe de création des formes des êtres vivants. Ainsi, la morphogénèse, autrement dit « l’ensemble des lois qui déterminent la forme, la structure des tissus, des organes et des organismes », le captive. Dès le début de ses travaux, Turing est préoccupé par tout ce qui échappe au calcul. C’est pourquoi il se penche sur les formes biologiques qui s’organisent hors de tout programme déterministe, et plus généralement sur l’imprévisibilité de l’évolution du vivant. Le calcul devient alors pour lui un outil de mesure lui permettant d’explorer la nature et le vivant. Dès 1952, il avance des théories qui seront confirmées par les biologistes des années plus tard, notamment sur la formation des coquillages ou encore la formation des taches sur le pelage d’animaux comme le tigre ou le zèbre.
Le cerveau humain fait partie des formes biologiques affecté par l’imprévisibilité qui touche toutes les formes vivantes. Dans son approche confrontant la pensée calculable de la machine et l’intelligence humaine, matérialisée par son « Test de Turing », il pense qu’à termes il ne sera plus possible de distinguer celle de la machine et celle de l’humain, jetant ainsi les fondements de ce que l’on appelle « l’intelligence artificielle ». Pour Turing, si l’ordinateur renferme la notion de calcul, en partant de cette notion-même, on doit parvenir à déterminer, par un raisonnement négatif déjà démontré dans son article de 1936, une autre nature de problèmes qui échappe au calcul.
Turing mit fin à ses jours en juin 1954, alors qu’il n’avait que 42 ans ; il avait en effet été particulièrement affecté par la condamnation pour homosexualité, contraint à choisir entre la castration chimique ou l’emprisonnement. Il avait dû choisir la première afin de continuer ses travaux… En 2009, le Gouvernement anglais a publié des excuses officielles pour la manière « inhumaine » dont fut traité Alan Turing du fait de son homosexualité.

Le centenaire de Turing

De nombreuses manifestations rendent hommage à Alan Mathison Turing pour le centenaire de sa naissance :

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